L’année dernière, un peu avant la votation sur l’initiative de la marche blanche intitulée Pour que les pédophiles ne travaillent plus avec des enfants (acceptée à la double majorité), j’avais publié un billet dans lequel j’exprimais mon opposition à ce texte constitutionnel. J’y évoquais diverses problématiques dont la nécessité de distinguer entre pédophile et pédocriminel. En effet, non seulement les initiants, mais aussi tous les acteurs politiques débattant de ce projet mélangeaient allègrement les deux notions, faisant de la pédophilie un crime, même dans le cas où la personne en étant affectée n’avait jamais passé à l’acte (et par passage à l’acte, on entend aussi bien une agression sur un mineur que la consultation de matériel pédocriminel, sur Internet par exemple). Or, cette approche pose un vrai problème dans la mesure où les représentations actuelles du pédophile, souvent complètement hystériques, qui en font une sorte de représentant du mal absolu, découragent évidemment ceux qui en souffrent de révéler leur penchant à quiconque, mêmes à des psychiatres ou des thérapeutes. Et naturellement, l’initiative proposée n’offrait aucune réponse à cette problématique, puisqu’elle se situait purement dans une perspective répressive.
C’est pourquoi je trouve que l’ouverture d’une structure d’écoute totalement anonyme pour personne pensant avoir des penchants pédophiles est une excellente chose. Lancé en 2014 par l’association éponyme, l’Espace Dis No propose une écoute attentive et empathique à toute personne:
[…] préoccupé(e) par des attirances, des fantasmes ou des pulsions sexuelles concernant les enfants ou [ses] enfants, si [elle n’est] jamais passé(e) à l’acte, et si [sa] situation [l’] isole, [la] fait souffrir…
Comme le révèle la Tribune de Genève, Cette expérience semble commencer à porter ses fruits. En effet, près d’une trentaine de personnes ont déjà fait appel à cette association pour trouver une écoute et de l’aide. La méthode de Dis No est basée sur des expériences en matière de prévention déjà réalisées dans d’autres pays et l’espoir est donc de pouvoir détecter un maximum de personnes présentant les caractéristiques psychologiques, biologiques et environnementales pouvant favoriser leur premier passage à l’acte. Comme l’indique le rapport Eviter le premier passage à l’acte, daté de 2012, et proposant une synthèse des recherches menées à ce jour sur cette problématique, les experts font encore face à de multiples difficultés dans ce processus d’identification, l’une des premières étant le manque d’études, pour des raisons évidentes, sur ces populations n’ayant justement jamais passé à l’acte. En effet, comme le montre la pyramide tout au début du rapport, ces dernières ne reçoivent pratiquement aucune attention du corps social et politique, celui-ci étant obnubilé par les pédophiles ayant déjà été jugés pour des actes d’abus sur mineurs. De fait, la plupart des programmes de prévention se basent sur les études de populations déjà condamnées par la justice.
Il faut donc espérer que ce genre de structure d’accueil et d’écoute permette non seulement de venir directement en aide à ces personnes souffrant potentiellement de déviances sexuelles graves, mais aussi d’alimenter des études sur ces populations qui ont réussi à ne pas passer à l’acte, afin que l’on puisse mieux comprendre les mécanismes qui leur permettent de résister à leurs pulsions.
Bonjour Ariane,
Nous sommes tombés un peu par hasard sur votre article et nous avons trouvé votre analyse très pertinente.
Merci aussi de parler de l’Espace DIS NO: cela nous aide à faire connaître nos prestations ainsi que notre approche, encore largement ignorée par le grand public.
Bonne suite dans votre activité d’information via le net.
Avec nos plus cordiales salutations,
Lisa Ancona
L’Equipe de l’Espace DIS NO
François Boillat
Lisa Ancona
Bonsoir,
Je vous remercie beaucoup de votre message et je me ferai un plaisir d’aborder à nouveau le sujet de vos activités dans un autre billet de blog.